Le Système éducatif congolais : des perspectives hémiplégiques

Publié le par LEY-MPWURU

                                                            
« Le Miracle ». Voilà comment les parents décrivent le succès aux examens de leurs enfants. Le mot ne décrit nullement pas une ambition, un objectif de réussite que s’est donné le système éducatif congolais mais tout simplement une réussite dans la douleur au cœur d’un système éducatif en ruine.

 Malgré les lois et circulaires, des slogans ou directives, séminaires et journées de réflexion, malgré les grèves, rien ne tient la route. Toutes ces choses non résolues qui reviennent en boucle bouleversent de manière troublante le rapport des enfants à l’école. Les établissements scolaires sont devenus des grands centres de loisirs sans hébergement où les enfants vont pour passer leur temps tant qu’ils ne sont pas dans la rue pour imaginer mille bêtises. Ils sont alors placés dans des situations qui les pousseraient à se sous-évaluer et sous-estimer leur réelle capacité à s’épanouir. Du coup, ils se montreraient moins ambitieux dans les choix d’orientation et pénalisés également au travers le regard que les autres enfants mieux outillés pourraient porter sur eux, s’ils seraient amenés à travailler.

La grave crise dans laquelle s’enlise le système éducatif congolais comme l’a souvent écrit Gédéon Samba (mwinda juin 2006) exige un vrai débat. Il faut agir vite car le pays doit se renouveler. Pour cela, il faut donner au système éducatif, une autre vision, des perspectives et des fondations nouvelles. Il est certain que nous ne devrions pas apparaître comme la seule force de propositions, tous les fils de ce pays devraient avoir leur mot à dire. Ainsi, des états généraux de l’éducation apparaissent comme l’une des pistes qu’on devrait explorer, retenir pour réfléchir et proposer.

 En face, le gouvernement de la République qui fait des propositions incantatoires. De plus, l’Association des parents d’élèves et des étudiants qui n’a jamais entretenu des liens avec les parents d’élèves du monde villageois, aide le gouvernement dans ce travail de sape. Tous à l’unissons, prétendent, non sans cynisme que l’enseignement et le système éducatif congolais ont amorcé une courbe de redressement. Il faut avoir une vision hémiplégique du pays pour avoir une telle certitude.

Pourtant, il suffit de parcourir l’ensemble du territoire pour se rendre compte amèrement que l’institution scolaire n’existe plus, que l’engouement des élèves et des parents pour l’école, on ne le sent plus. Je me souviens, très jeune, nous formions des cortèges pour accueillir nos nouveaux ou anciens maîtres qui retrouvaient leurs anciennes ou nouvelles écoles d’affectation. La rentrée scolaire, nous la préparions (malgré le spectre de la chicotte ou d’un bizoutage au collège) dès la fermeture de l’école en juin.  C’est cela qui donnait sens à l’institution et le maître était investit d’une autorité certaine.

 Actuellement, l’enseignant, c’est ce citoyen lambda qui croupit dans un abri au toit de chaume. Sa résidence n’est plus excentrée du village, le maître vit en osmose dans la population comme le « poisson dans l’eau », il partage le quotidien des villageois. Véritable homme du voyage, il passe un trimestre à Brazzaville pour attendre son salaire ou suivre les démarches administratives de son dossier d’intégration. Je me souviens d’un autre qui a trouvé accidentellement la mort en route et enterré dans l’anonymat à Brazzaville où, il s’était rendu pour percevoir son salaire. Dans ce contexte, quand va-t-il se mettre réellement au travail ? Quel taux de réussite que l’on peut attendre d’un enseignant instable matériellement et psychiquement fragilisé ?

Le gouvernement de Brazzaville n’a pas une réelle volonté d’ouvrir les portes de l’école à des dizaines de milliers des enfants du Congo. Quelles en les raisons ? Et quelles sont les causes de ces disparités ? A ce gouvernement de les décliner un jour. C’est aussi à lui de surmonter ses faiblesses et de transformer ses vœux pieux en actes. Tout ce que nous savons vient du terrain.

En effet, lors d’une mission humanitaire, j’ai fait une désolante découverte à Abala et surtout dans la zone de Mboubée. Ici les promesses d’un candidat à la députation désenchantent. Quelques briques entreposées sur un site réservé à la construction du collègue sont transformées en toboggan où les chèvres et cochons errants mesurent leur performance.

S’il est vrai que la massification de la scolarisation avait placé dans les 70 et au milieu des années 80 le Congo au peloton de tête des pays les plus scolarisés de l’Afrique, il n’en demeure pas moins que ces données étaient d’une certaine époque.

Les indicateurs affichent désormais une décroisssance de la scolarisation des enfants au CONGO. On n’a pas besoin d’être un clerc pour le constater et reconnaître  que le taux actuel de la scolarisation des enfants du Congo est en dessous de 50% et que désormais, les écarts se creusent entre les villes de Brazzaville, Pointe-Noire et le reste du pays comme il est aussi flagrant de constater que chaque haut fonctionnaire équipe l’école de son village ou celle de la ville des proches du souverain pour continuer à bénéficier de la sympathie et voir midi à sa porte.

Le gouvernement ne doit plus tourner autour de son nombril. Il doit livrer à l’ensemble de la communauté nationale les statistiques et, dresser un inventaire réel de l’état des infrastructures scolaires par Inspection d’enseignement primaire et secondaire  du pays.

Les récentes déclarations qui s’appuient sur les objectifs du Millénaire ne sont que des vœux pieux car les conditions nécessaires pour traduire ces déclarations en directives ne sont pas mises en place. On a comme impression que ceux qui font ces annonces manquent de perspectives et calquent chez le tout-venant.

L’école doit devenir gratuite sur le continent c’est l’un des objectifs du Millénaire pour lutter contre la pauvreté parce que le coût de scolarité absorbe quasiment les salaires ou revenus des familles pauvres en Afrique subsaharienne. A cela, il faut ajouter les mécanismes connexes qui définissent la pauvreté et la misère : difficultés de se soigner, corruption, les prestations des enseignants volontaires ou des titulaires. C’est ainsi qu’à la conférence internationale sur la suppression des frais scolaires qui s’est tenue  en mai 2007 à Bamako au Mali, des suggestions ont été faites aux pays subsahariens. Comme « Saint Thomas » ont leur a demandé de suivre le modèle chez un certain nombre de pays voisins qui n’ont pas attendu cette directive pour agir.

Dans une impréparation totale, le gouvernement congolais a emboîté le pas, sans aucune volonté certaine sauf dans la seule intention d’engranger un capital de confiance pré-électoral.

Il est certain que l’annonce sur la gratuité des manuels scolaires au niveau de l’enseignement fondamental, et la suppression des frais de scolarité au niveau de l’enseignement primaire et secondaire, mérite toute notre attention. Cependant, nous ne nous contentons pas seulement des effets d’annonce. C’est au gouvernement  de nous fournir la preuve que la mesure est effective cette année en nous fournissant un récapitulatif par sous-préfecture, des écoles et des familles qui ont reçu ces dotations.

Dans le schéma de construction de ceux qui conduisent les affaires du pays actuellement Brazzaville, Pointe-Noire et certaines villes du pays sont les zones d’éducation prioritaires (ZEP) tant pis pour les ruraux, ceux là, ils peuvent encore attendre.

Ils peuvent encore attendre c’est aussi le sentiment qu’ont les enseignants volontaires qui depuis plus d’une dizaine d’années attendent leur intégration. Tous les ans, les mêmes discours reproduisent les mêmes annonces jamais ces enseignants qui exercent dans des conditions difficiles n’ont eu gain de cause à leur revendication.

Ils s’installent à Brazzaville un temps, ensuite, ils  vont sur leur lieu d’affectation dans un deuxième temps pour signer la note d’affectation avant de regagner Brazzaville. Dans ce contexte, il est mal aisé qu’on nous apprenne que la rentrée scolaire est effective au Congo chaque 1er octobre. Il est aussi impropre de nous faire croire que les élèves reçoivent un enseignement de qualité quand il leur manque de tout.

 Allez voir, si vous avez une occasion de vous rendre dans des villages et petites villes isolés sans route, où le lien avec Brazzaville est assuré par un véhicule une fois par semaine. Dans ces villages et villes enclavés où les paysans ne captent même plus la radio nationale demandez les si le message du Président de la République a un impact dans leur vie quotidienne.

 La politique de la casse sociale initiée par les tenants du régime qui tiennent les guerres civiles pour responsable de la situation actuelle, est à l’origine du déclin du pays. Elle  contribue,  voir même renforce, le sentiment selon lequel le pays ne se relèvera plus jamais.

Autiste à la douleur des populations, ce gouvernement affiche une étonnante cohésion qui veut tout dire : nous avons gagné la guerre  tant qu’on y est et on reste.

 Entre temps, il multiplie des actions connexes, à tout le moins inefficaces sinon suicidaires : la pratique du DON

Le don est pour eux le nouveau moyen de redistribution de la richesse de la République aux populations au nom d’une certaine philosophie mais pas au nom de l’Etat-Nation.

Ainsi le pays n’est pas envahi par des donateurs étrangers ou venant d’une autre planète. Nos donateurs sont des congolais issus d’une oligarchie au pouvoir.

Ils utilisent l’argent public et choisissent de façon partisane des catégories de populations, de villes ou villages où ils doivent faire des dons de tables bancs, de remise des clés après la construction de nouvelles écoles ou de collègues, de dispensaires ou de centre de santé intégrés.

Cette pratique de don génère une dette morale dont  la principale caractéristique est d’obliger les populations à avouer une reconnaissance inébranlable au donateur spoliateur des deniers publics. Cette pratique génère  chez les « jamais dotés » le sentiment de rejet de tout ce qui est « différent » d’eux. Ces Congolais d’une autre zone qui n’ont pas de représentants dans la nomenklatura, au pouvoir n’ont pour consolation que l’invocation des Dieux pour que la vieille école ou le vieux dispensaire hérité de la première République ne tombe pas en ruine.

La pratique de don aussi sympathique qu’elle peut apparaître aux yeux de ceux qui le reçoivent est idolâtrie  et replace au cœur du débat la question du sentiment ou d’attachement à une région, au tribalisme ou à l’ethnicisme. Ce don ne tend pas à restaurer la République mais plutôt à établir un pouvoir monarchique.

Finalement dans ce pays, les mouches de l’opprobre ne changeront jamais de cadavres.

 

 

                                               M. Yomard-Michel DOUNIAMA

                                               Secrétaire National du RFD, chargé de l’Education,

                                                de la  Formation et de la Recherche

                                                

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